« On sait que pour produire n’importe quel objet industriel – qu’il s’agisse d’une voiture, d’un écran plat ou d’un immeuble en béton – on doit toujours utiliser beaucoup plus de matières premières que n’en contient cet objet.
Pour ne prendre qu’un exemple, la seule fabrication d’un ordinateur portable de deux kilos requiert en amont plus de 800 kilos de matériaux, dont un certain nombre de terres rares, sans compter les combustibles fossiles et les produits chimiques nécessaires à cette fabrication.
A l’inverse, et comme on le sait également, il suffit d’un seul grain de blé pour en obtenir cent (si l’on n’a pas de racines paysannes, on se contentera de relire Robinson Crusoe ou l’île mystérieuse !).
Autant dire que dans un monde dont les ressources naturelles s’épuisent à un rythme exponentiel, il devrait depuis longtemps être devenu évident pour tous que l’agriculture – pour autant qu’elle soit raisonnée, c’est-à-dire non industrielle et non polluante – a forcément plus d’avenir devant elle que le culte religieux du béton et de la métropolisation forcenée (sauf, bien sûr, à tenir la recherche du profit immédiat pour plus importante que la survie de l’humanité elle-même).
De là cette prise de conscience de plus en plus nette – y compris chez une partie des « élites » – que la protection de toutes les terres agricoles encore existantes – de même, à terme, que la remise en question de toutes les politiques dites d’« étalement urbain » – constitue aujourd’hui une priorité politique absolue (et cela sans même prendre en compte le fait que, depuis la disparition de presque toutes les anciennes ceintures maraîchères, les grandes métropoles modernes ne disposent plus, en cas de crise majeure, que de quelques jours d’autonomie alimentaire !).
Qu’on puisse donc encore trouver des « décideurs » pour estimer judicieux (et peut-être même « progressiste » !) de détruire la dernière terre agricole de Montpellier – avec toute la charge symbolique qui accompagnera inévitablement cette destruction, y compris au niveau national – dépasse donc l’entendement.
C’est qu’il est effectivement très difficile de trouver une illustration plus parfaite de ce que les classes populaires, avec le bon sens qui les caractérise, ont désormais pris l’habitude d’appeler un monde qui marche sur la tête.
Ayant eu le bonheur de passer l’essentiel de ma vie à Montpellier, c’est donc de tout mon cœur que j’apporte mon soutien au collectif Préservons la cité Bergère dans sa lutte pour arracher celle-ci aux griffes de la spéculation immobilière.
Tout en attendant les jours heureux où l’on pourra enfin voir refleurir partout ces oasis maraîchères qui constituent clairement l’une des formes les plus créatives, et les plus riches d’avenir, de toute vie locale réellement civique et solidaire. »
Jean-Claude Michéa
